Charles Ives / Robert Piéchaud

Variations on America

Pour quintette à vent et sax soprano jazz

(fl/htb/cl/cor/bsn/sax)

D’après la pièce pour orgue de 1891

Sax : Stan de Nussac (dédicataire) - Ensemble l’Instant donné

Live Festival d’Automne à Paris, 17 octobre 2016 (création)
Théâtre des Bouffes du Nord

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    C’est certain, le thème de ces facétieuses variations a beaucoup voyagé ! America - ou My Country, 'Tis of Thee - a été l’hymne américain jusqu’en 1931 avant d’être supplanté par The Star-Spangled Banner. C’est aussi bien sûr le God Save the Queen, et cette mélodie, véritable tube au XVIIIème siècle, a été utilisée par bien d’autres cours européennes. Or voici ce qu’on raconte : c’est semble-t-il Lully qui 1686 composa ce chant - Grand Dieu sauve le roi - pour célébrer la guérison de la fistule anale du Roi Soleil grâce au très habile chirurgien Félix de Tassy... Un peu plus tard, Handel, de passage à Versailles en 1714, entend le joli cantique (il n’en connaît probablement pas le très noble fondement !), le note sur son carnet, rentre à Londres, fait traduire et adapter les paroles et enfin, sans omettre de s’en attribuer la paternité, s'empresse de montrer le résultat à son souverain, George 1er, lequel, enthousiaste, l’adopte immédiatement...

    Mais revenons au jeune Ives qui compose ces variations pour orgue en 1891 (il a alors 17 ans) à l'occasion du 4 juillet, fête nationale américaine. Bien qu’elle me fasse un peu penser à des chevaux de bois qui s’emballent ou à un accompagnement de film muet, cette pièce n’est pas à proprement parler une plaisanterie musicale au sens de Mozart. Ou bien il faudrait soutenir que tout l’œuvre d’Ives l'est... Un des aspects les plus intéressants de cette verte composition (qui, paraît-il, faisait rire les enfants dans l’église - mais est-ce un péché ?..) est la présence d’ « interludes » polytonaux qui rappellent les expériences de Mahler dans Das klagende Lied à peu près à la même époque ; Ives fera plus tard de ce procédé un élément quintessentiel de son langage.

    Quant à moi, m’emparant assez librement de ces variations, j’ai ouvert un peu plus les brèches, avec la cadence finale qui est une sorte de boîte de Pandore à musique libérant fugacement quantité de chants traditionnels américains (tous tirés de la pièce d’orchestre de Ives The Fourth of July), et surtout avec le contrechant du sax jazz, dont les interventions (hors tutti) sont laissées à la totale (in)discrétion de l'interprète, avec seulement quelques suggestions de ma part ("in", "out", "blues" etc.) qui sont l’aveu de la limite de mes compétences jazzistiques. Tout ceci avec l’espoir de ne pas trop trahir Ives le « primitif » - l’expression est de Leonard Bernstein - et son esprit joueur et profond.


    R.P.

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